Fréquence Juive : « Monsieur le Grand Rabbin, FJ vous remercie d’avoir accepté de répondre à nos questions. Les juifs français des Etats-Unis regardent la situation en France et, en particulier la montée de l’antisémitisme avec beaucoup d’attention mais également avec beaucoup d’inquiétude, peut-être amplifiée par la séparation et l’éloignement. Pensez-vous que nous ayons raison d’être inquiets ? »

Haïm Korsia :
« Votre question est touchante parce que nous nous inquiétons aussi pour les juifs des Etats-Unis, justement, pour la même raison. Pittsburgh, Williamsburg…Le sentiment d’une fracture entre le judaïsme et le soutien à Israël est de plus en plus important en Amérique. En France, nous avons réussi à faire voter la définition de l’IHRA par toutes les assemblées représentatives du pays, qui réaffirme que l’antisionisme est de l’antisémitisme. Aux Etats-Unis, on sent bien qu’une partie de l’électorat américain n’adhère plus à cette vision prophétique d’Israël, bien qu’ils furent pendant longtemps parmi les plus sionistes, vivant avec conviction la résurrection d’Israël comme la preuve de l’arrivée des temps messianiques.

En 2015, lors des attentats de l’Hypercasher, votre président avait parlé de « random shooting », ce qui avait été ressenti comme un déni de la réalité. D’ailleurs, aucune autorité américaine n’était présente dans la marche républicaine du 11 janvier 2015, le jour du plus important rassemblement de l’histoire moderne du pays. Nous nous faisons du souci pour nos coreligionnaires américains, mais il faut savoir que lorsque le Am Israël se fait du souci, nous sommes tous unis les uns les autres. »

FRANCE ET JUDAÏSME



Fréquence Juive :
« Question un peu plus personnelle. Nos enfants se prénomment Joshua, Aaron et Isaac. Pensez-vous qu’ils s’intègreraient facilement et parfaitement dans la population française ? »

Haïm Korsia :
« Oui, sans conteste. Et en particulier ces prénoms-l? ! Ceux à connotation biblique sont très à la mode. Et les Américains ont cette capactié extraordinaire à adopter des prénoms bibliques, que l’on retrouve également dans la culture protestante et qui s’exportent ensuite dans le monde entier via Netflix, le football, ou le cinéma... Un homme s’appelant « Moïse » ou « Ezéchiel » peut être juif ou protestant. De nombreuses familles françaises de notre nouvelle génération appellent leurs enfants « Saül », qu’ils prononcent de manière usuelle ,autrement dit avec la prononciation américaine. Le fait de passer ce prénom par le prisme américain, le rend au fond, totalement universel. »

Fréquence Juive :
« Il semble que vous ayez de très bonnes relations avec tous les autres cultes religieux. Pourquoi est-ce si important ? »

Haïm Korsia :
« La seule chose qui nous détruit totalement est l’ignorance. Napoléon a dit : « la seule guerre que nous remportons toujours, c’est la guerre contre notre ignorance », et c’est très juste ! Il est fondamental de connaître les rites des autres, ne serait-ce que dans le calendrier.

« La seule solution pour que chacun ne devienne pas l’ennemi de l’autre »!

Demain soir, c’est Chemini Atseret. Celui qui croise son copain juif et qui lui dit « bonnes fêtes » est touchant car il va à la rencontre de l’Autre ! Lorsque arriveRamadan, je dis à mes amis musulmans : « Aid Mabrouk ». Le vrai partage est celui du temps. La lutte contre l’antisémitisme passe d’abord par la lutte contre les préjugés, même ceux que l’on porte à l’intérieur de notre communauté. C’est pourquoi j’ai missionné des prêtres, des imams et des pasteurs dans les écoles juives, afin que nos jeunes puissent les rencontrer et partager avec eux. Ce fut un travail formidable. Je parie sur la génération future avec cette pédagogie, seule solution à mon sens, pour que l’un ne devienne pas l’ennemi de l’autre. »

LES COMBATS DE NOTRE COMMUNAUTÉ



Fréquence Juive :
« Un peu avant votre élection, dans une interview datant du 21 mars 2021, vous avez évoqué des sujets comme la défense de l’abattage rituel, la défense des femmes qui n’ont pas leur guet, la disponibilité des rabbins dans les communautés, les besoins des familles dans les écoles juives, le lien entre les communautés. Toutes ces choses restant à améliorer dans lesquelles vous vous êtes engagé ont-elles enfin vu le jour ? »

Haïm Korsia :
« Pendant Souccot - et ceci marche également pour Hanouka -, nous disons : « Eternel, aide-nous à redresser la Soucca de David qui est en train de tomber. » Autrement dit, notre effort est dans le travail incessant que nous faisons pour la consolider. C’est souvent lorsque l’on pense que tout est fini, que tout commence réellement. Je ne peux malheureusement pas vous dire que j’ai mené le combat pour défendre l’abattage rituel, que je l’ai fini et que je l’ai gagné. Je vais devoir le mener durant toute ma carrière, ainsi que mes successeurs. Concernant le combat contre l’apathie des gens pour défendre les femmes qui doivent recevoir leur guet, je ne peux pas vous dire que j’ai réussi, parce que chaque cas demeure une insulte à l’humanité et au bon sens. Nous continuons à nous battre tant qu’il nous le faudra.

NEO AMERICANO JUDAÏSME



Fréquence Juive :
« Ici, aux USA, nous n’avons pas de grands rabbins des Etats-Unis, bien que nous soyons très nombreux, l’unité, il faut se l’avouer, n’est pas la même qu’en France. Il n’y a pas de consistoire. Pourtant, nous célébrons les mêmes fêtes, avec la même joie et les mêmes prières. À l’intérieur d’une même ville, d’un quartier à l’autre, même si les synagogues bordent les rues et que les mezouzot sont sur toutes les portes, les différences sont flagrantes entre les ashkénazes et les sépharades, les français et les israéliens, les marocains et les tunisiens… Pensez-vous qu’il faille nous conformer à la loi du pays ? Peut-on parler de Néo-americano judaïsme ? »

Haim Korsia :
« Entre les marocains de Meknès et ceux de Fès aussi (rires) ! Je ne suis pas américain mais je sais qu’au Québec, les problèmes perdurent entre les gens d’origine séfarade et ceux qui sont ashkénazes.

« Aux Etats-Unis, on sent bien qu’une partie de l’électorat américain n’adhère plus à cette vision prophétique d’Israël »




En France, nous avons largement dépassé ces malaises. Le Grand Rabbin de Paris est ashkénaze, le Grand Rabbin de France est Séfarade. Je peux vous faire tout l’office de Rosh Hachana et Kippour selon les rites constantinois, algérois, marocain, tunisien ou ashkénaze…. En Amérique, ils n’ont pas eu l’immense chance d’avoir Napoléon, qui a unifié le judaïsme français en créant le Consistoire. Le judaïsme bordelais, le judaïsme comtadin, le judaïsme d’Alsace - même celui du Haut-Rhin et du Bas-Rhin - sont différents. Entre Metz et Nancy, ils se distinguent bien que vivant à 30 kilomètres d’écart. Mais nous sommes ensemble. Cette idée-l? est au cœur du principe de la société française. En Amérique, le principe sociétal est plus proche d’un principe d’éclatement communautaire. Il faut, en effet, en arriver à des situations lourdes pour que l’esprit américain unitaire se retrouve. Alors qu’en France, nous sentons plus naturellement cette pulsion d’unité du judaïsme. Le modèle du judaïsme français ne se retrouve nulle part ailleurs, ni aux Etats-Unis, ni en Israël. Les Français aiment se retrouver dans des communautés où se dessine la diversité du peuple juif. »

Français : définition = Tsarfat
Tsarfat = Creuset dans lequel un orfèvre met des métaux différents, qu’il fond dans un alliage unique, et c’est exactement ce qu’est le judaïsme.


GESTION DE LA CRISE SANITAIRE



Fréquence Juive :
« Port du masque, distance de sécurité, lavages de mains, tests virologiques négatifs obligatoires dans les deux jours précédant l’entrée dans une synagogue ? Pensez-vous en arriver à exiger la vaccination ? »

Haïm Korsia :
« Je l’ai déj? exigée dans les synagogues, lors des offices de Roch Hachana et Kippour - ou au moins, un test PCR négatif pour ceux qui n’avaient pas pu encore le faire. J’estime que ne pas se faire vacciner, c’est ne pas répondre aux appels de la Bible consistant à protéger son prochain, à être le gardien de son frère. Depuis le début de la crise, notre stratégie a été très stricte. J’ai fait fermer les lieux de culte - même lorsque le gouvernement nous autorisait à les ouvrir pendant les fêtes de Chavouot - car j’estimais que l’on n’était pas prêt à garantir la sécurité sanitaire. Grâce à cette gestion intransigeante, nous n’avons eu à déplorer aucun cluster. Les fidèles reviennent dans les offices, et certains même, nous remercient d’avoir protégé leurs proches – jusqu’au Ministre de l’Intérieur qui nous a remercié dans une lettre. C’est un contrat de confiance que l’on a avec nos fidèles. »

« Être le gardien de son frère, avec l’aide de Celui qui nous aide toujours"!

CONVERSION AU JUDAÏSME



Fréquence Juive :
« Après les progrès scientifiques et les tests ADN qui prouvent la filiation juive, peut-on considérer les enfants nés d’un mariage mixte comme étant juifs à part entière ? »

Haïm Korsia :
« Si la maman est juive et le papa ne l’est pas, il s’agit donc d’un mariage mixte. Si la maman est 100 % juive, l’enfant est juif. Si le papa est juif et la maman ne l’est pas, comment dire à un petit Joshua Cohen, qui a un papa portant le nom de COHEN et une maman du nom de SMITH, qu’il n’est pas juif ? Disons qu’il a une part dans le judaïsme et qu’il faut juste que l’on régularise sa situation.

« Il faut juste que l’on régularise »!

J’interdis de parler de conversion. J’ai imposé ce concept pour que l’on dise : ce petit a une part dans le destin du peuple juif, il faut juste qu’il y travaille en ayant une pratique – dont celles du Chabbat et de la cacherout- accompagnée d’une inclusion communautaire, et l? on reconnaît une évidence ! Nous ne sommes pas l? pour refuser du monde, mais plutôt pour accompagner toute personne qui se reconnait dans le judaïsme, ses valeurs et ses préceptes.

HAIM KORSIA ET SA VISION DE LA RÉUSSITE



Fréquence juive :
« Quels conseils donneriez-vous à nos enfants pour réussir dans la vie? »

Haïm Korsia :
« Deux phrases vous répondent. « Plutôt que de réussir dans la vie, il faut essayer de réussir sa vie ». Et « Le plus important, c’est de réussir à vivre ».

J’ai vu tellement de personnes confrontées à la difficulté de vivre, d’aimer, d’exister, d’être en relation avec les autres, que c’est déj? pour moi, une grande victoire. Les rescapés de la Shoah, malgré tout ce qu’ils ont vu et vécu, ont réussi à vivre, à aimer, à fonder une famille. Pour moi, c’est la plus grande des victoires. Il y a donc un enjeu d’engagement. S’engager pour la vie, pour vivre et s’engager pour les autres ; il s’agit l? de ma vision de la vie.



Il n’y a rien de plus grand que de s’engager.

Me voici, je suis présent aux autres, je suis présent à moi, je suis présent à la société, je suis présent à Mon Créateur. Hineni ! (en hébreu).

« Celui qui n’est pas occupé à naître est occupé à mourir.! »
Bob Dylan.

Fréquence juive :
« La communauté juive de Los Angeles vous remercie à nouveau, Monsieur le grand rabbin de France, et espère vous recevoir très prochainement. »

Propos recueillis par Fréquence Juive. .

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